Kenneth Lochhead est né à Ottawa et a habité dans les Prairies pendant 23 ans. Sa vision unique de la peinture a marqué à jamais l’art canadien. Il a passé 14 ans à Regina à compter de 1950, année à laquelle il est devenu le directeur de l’École d’art de l’Université de la Saskatchewan. À ce poste, Lochhead a joué un rôle de premier plan dans la création des Emma Lake Artist’s Workshops et le développement de leur programmation. En 1960, il a fondé les Regina Five avec les peintres abstraits Ted Godwin, Arthur McKay, Douglas Morton et Ronald Bloore.
Quand il a senti le besoin de bouger, Lochhead n’est pas retourné à Ottawa, mais est plutôt allé dans la province voisine, au Manitoba. Il a entretenu une correspondance avec Clement Greenberg, le fameux critique d’art, avec qui il a continué de discuter de son évolution artistique même après avoir arrêté de s’impliquer dans les ateliers d’Emma Lake. À Winnipeg, Lochhead louait, au deuxième étage d’un immeuble, un loft suffisamment spacieux pour y dérouler les vastes toiles sur lesquelles il faisait ses expériences sur la forme et les proportions. Sa charge à titre de professeur associé des beaux-arts à l’Université du Manitoba ne l’a pas empêché d’accepter des projets majeurs et de travailler sa pratique. Pour une commande locale, Lochhead a produit une série de bannières de 213 × 1067 cm. Il a créé la toile pour Yellowscape, l’oeuvre présentée ici, avec la même échelle ou presque que celle utilisée pour ces grandes bannières, ce qui met en lumière son intérêt, pendant cette période, pour les possibilités esthétiques de l’horizontal.
Lochhead a dit : « Le paysage est une référence organique qui suggère le champ des possibles le plus vaste qui soit… Le paysage offre la liberté d’aborder l’exploitation de la forme, de la couleur, de la lumière et de l’espace. » Cette toile aux nuances pâles rappelle à l’esprit les grandes étendues des Prairies. Loin d’être un peintre engagé, Lochhead, par son allusion à cet endroit, à cet espace ancré dans la psyché canadienne, éveille néanmoins un sens de la communauté et de l’identité nationale. Foncièrement figuratif, mais dénotant la liberté de la peinture par champs de couleurs et de l’abstraction post-picturale, Yellowscape réifie le sublime de la nature.
Emma Richan