AprĂšs quelques tentatives avec lâacrylique et le ruban Ă masquer entre 1965 et 1969, McEwen retourne Ă son premier amour : la peinture Ă lâhuile. Dans son art, le peintre cultive une attitude, sinon une mĂ©thode, qui se veut inclusive, de sorte quâil choisit dâapprofondir des thĂšmes et des moyens picturaux sur le mode dâune « rĂ©manence » et dâune « rĂ©surgence continuelle ». Corollairement, la sĂ©rie Compagnon de silence apparaĂźt clairement comme lâamalgame des explorations et des juxtapositions plastiques menĂ©es et accomplies au cours des premiĂšres dĂ©cennies dâune carriĂšre qui Ă©volue de maniĂšre circulaire. Au dĂ©but des annĂ©es 1970, lâartiste renoue « non seulement avec sa propre peinture (structure cruciforme), mais avec cette espĂšce de plĂ©nitude de la couleur quâon trouve chez Titien ou chez Rembrandt. Lâaspect sombre et somptueux des rouges profonds, des verts et des bruns, associĂ©s Ă des vernis, permettent Ă la couleur dâatteindre Ă une profondeur jusquâalors inĂ©dite dans son oeuvre », confirme NaubertâRiser.
De fait, les structures Ă©laborĂ©es dans Le drapeau inconnu, Miroir sans image et Suite des pays vastes se glissent en filigrane sous les strates mordorĂ©es de Compagnon de silence M1, M4 et M5. Les bandes latĂ©rales souples, de part et dâautre de chaque tableau, sâouvrent sur une trouĂ©e aux tonalitĂ©s carminĂ©es, fauves et brou de noix qui plongent la matiĂšre dans son reflet comme du cuir fumant dans une cuve Ă tannerie. Une trame tertiaire assouplie, dĂ©liĂ©e, baignĂ©e de nuĂ©es laiteuses et argentĂ©es, est Ă©galement prĂ©sente dans les trois oeuvres. Dans le poĂšme de Paul ValĂ©ry, Le bois amical â source dâinspiration du titre â, il est question dâune marche en forĂȘt, « cĂŽte Ă cĂŽte, le long des chemins », qui culmine en une fusion entre « la nuit verte des prairies » et la lumiĂšre lunaire qui sâintensifie, bordĂ©e dâ« ombre douce » et de « mousse », au creux du bois intime. InspirĂ© par lâimaginaire valĂ©rien, McEwen propose ici une variation sĂ©quentielle qui cherche Ă unir les arts pictural et poĂ©tique au moyen dâun langage qui atteint des sommets de grĂące et de maturitĂ©.
LâannĂ©e 1973 marque un tournant important dans la carriĂšre professionnelle de McEwen, alors que ce dernier quitte son poste chez la compagnie pharmaceutique Frosst pour se consacrer entiĂšrement Ă la peinture. La mĂȘme annĂ©e, une exposition rĂ©trospective, McEwen 1953â1973, est organisĂ©e par Fernande SaintâMartin au MusĂ©e dâart contemporain de MontrĂ©al. Y sont prĂ©sentĂ©es plusieurs sĂ©ries, dont Compagnon de silence. McEwen a reçu de multiples prix et distinctions au cours de sa carriĂšre, notamment la bourse VictorâMartynâLynchâStaunton du Conseil des arts du Canada, en 1977, et le prix PaulâĂmileâBorduas, en 1998.
(A. L.)