AprĂšs un long silence en peinture et quelques soubresauts en 1973, Marcelle Ferron planche sur une nouvelle production dâoeuvres sur papier Ă partir de 1975. Ces travaux, ainsi que lâexploration assidue de la verrerie lors dâun sĂ©jour en France â qui donnera lieu Ă trois grands projets Ă MontrĂ©al en 1979 â, insufflent un style inĂ©dit et une facture distinctive aux tableaux quâelle rĂ©alisera Ă la fin des annĂ©es 1970. La joie de voir, peint en 1979, incarne parfaitement ce renouveau pictural. Le plan vertical du support, qui caractĂ©rise bien dâautres piĂšces de cette pĂ©riode, invite une gestuelle ample et assurĂ©e qui se traduit par un sentiment de libertĂ© sur la toile. Les trois drapĂ©s de couleurs â dorĂ©s, turquoise et cobalt â ondulent et se cambrent lĂ©gĂšrement, laissant poindre deux ouvertures laiteuses dans la moitiĂ© infĂ©rieure du tableau. Une calligraphie noire, rappelant les kanjis, caractĂšres chinois ou japonais, sâempare de ces trouĂ©es, puis virevolte dans le brasier naissant dont la pĂąte est appliquĂ©e avec vigueur Ă la spatule. La peinture mĂ©tallique, dĂ©clinĂ©e ici en nuances dâor et de bronze, a dĂ©jĂ fait une premiĂšre apparition sur papier quelques annĂ©es plus tĂŽt, symbole de la recherche incessante de la lumiĂšre par Ferron. Somptueux et lumineux, La joie de voir se distingue des tableaux de cette pĂ©riode par sa fraĂźcheur et sa sensualitĂ©. Voici une occasion unique de se procurer une oeuvre digne des plus grandes collections.
Miâartiste, miâguerriĂšre, dixit Louise Vigneault, la jeune femme de Louiseville occupe une place enviable dans le mouvement des Automatistes, elle qui joint sa voix au manifeste Refus global en 1948. Ce faisant, Marcelle Ferron entre de plainâpied dans la lignĂ©e des femmes peintres qui dĂ©fient le milieu patriarcal de la peinture, au mĂȘme titre que Joan Mitchell et Lee Krasner, et sâimpose comme lâune des figures incontournables de la modernitĂ© quĂ©bĂ©coise. En 1961, elle remporte la mĂ©daille dâargent Ă la Biennale de SĂŁo Paulo. En 1972, elle est reçue membre de lâAcadĂ©mie royale des arts du Canada et en 1983, elle obtient le prestigieux prix PaulâĂmileâBorduas. Au cours de sa carriĂšre, lâartiste prendra part Ă de nombreuses expositions collectives dâenvergure au Canada et Ă lâĂ©tranger, et le MusĂ©e dâart contemporain de MontrĂ©al prĂ©sentera deux rĂ©trospectives de son oeuvre : Marcelle Ferron de 1945 Ă 1970, en 1970, et Marcelle Ferron, une rĂ©trospective 1945â1997, en 2000.
(A. L.)