Un des axes majeurs de la peinture de Jean McEwen est la recherche de lâopacitĂ© et de la transparence. Une dĂ©marche qui semble sâintensifier et atteindre une forme dâĂ©panouissement au tournant des annĂ©es soixanteâdix, alors quâelle donne lieu Ă des crĂ©ations qui incarnent totalement le sujet poĂ©tique par la matiĂšre, quâelle devient un « projet mouvant » destinĂ© Ă repousser les limites du mĂ©dium. Quand McEwen peint Les tombes rajeunies no 8 (1974), il se consacre Ă temps plein Ă la peinture. Cette prĂ©sence accrue dans lâatelier a pour consĂ©quence dâexacerber la densitĂ© dans les oeuvres, lesquelles mobilisent dĂ©sormais toute lâattention du peintre. La matiĂšre sây fait exubĂ©rante, rendue manifeste par la dĂ©cadence des coloris et de la pĂąte vernissĂ©e. Tel que le remarque Constance NaubertâRiser Ă propos des tableaux de la sĂ©rie Cages d'Ăles, rĂ©alisĂ©s la mĂȘme annĂ©e et semblables aux Tombes rajeunies, « la trace du processus qui engendre les plages de couleur est plus apparente. La texture du pigment contribue Ă lâorganisation de la surface. [âŠ] Lâartiste comprend lâespace Ă partir de la couleur. Il rĂ©ussit Ă mettre tous les plans stratifiĂ©s en tension, en leur donnant Ă tous une limite floue ».
Dans Les tombes rajeunies no 8, McEwen place au premier plan latĂ©ral les rouges et les orangĂ©s incandescents qui, dans Cages d'Ăles, rĂ©chauffaient la matiĂšre comme de lointains foyers. Ici, le tableau rend visible en quelque sorte le revers de cette sĂ©rie, comme si lâoeuvre Ă©tait vue de dos ou de lâautre cĂŽtĂ© du miroir, laissant poindre entre les colonnes de feu et la traverse mĂ©diane des Ă©clats crĂ©meux de lumiĂšre.
Cette oeuvre dâune qualitĂ© indĂ©niable a reçu sa consĂ©cration en Ă©tant sĂ©lectionnĂ©e dans lâexposition collective Thirteen Artists from Marlborough Godard prĂ©sentĂ©e Ă la Marlborough Gallery, Ă New York, en septembre et octobre 1974.
(A. L.)