À la suite du décès tragique de sa fille Nathalie, Jacques Hurtubise se réfugie, à partir de 1980, dans une production effrénée qui se poursuivra jusqu’en 1993. Durant cette période, l’artiste réalise une suite d’oeuvres aux allures symétriques – qui n’est pas sans rappeler les taches de Rorschach – qui laisse libre cours aux interprétations et à l’imagination du regardeur. Hurtubise approfondit une approche picturale qui le distingue d’ores et déjà de ses confrères, en s’appuyant à la fois sur des principes plasticiens et automatistes et en usant d’une gestualité contrôlée. L’artiste fait appel à différentes techniques qu’il a éprouvées au cours des décennies précédentes ainsi qu’à diverses méthodes d’impression qu’il maîtrise alors parfaitement, telles que le monotype, la décalcomanie et la sérigraphie. Il construit des tableaux en couches successives en rabattant la surface chargée de matière sur son côté opposé, ce qu’il réussit par le pliage d’un support à tentures ou l’utilisation de faux-cadres montés en paire. Le peintre répète ce geste machinalement, des dizaines, voire des centaines de fois, jusqu’à l’obtention de l’effet désiré.
À partir de 1985, des visages et des masques apparaissent de façon manifeste dans cette suite ; éléments figuratifs qui se feront plus présents encore après un voyage en Chine en 1986. Dans Tontitotem, peint en 1988, les masques semblent s’empiler les uns par-dessus les autres, comme autant de deuils à traverser après la perte d’un être cher. Il s’ensuit une figure totémique qui transcende la mort par la répétition, l’ordonnancement et l’harmonie des couleurs.