Provocateur, insoumis, génial – les superlatifs ne manquent pas pour décrire l’esprit de Pierre Gauvreau et l’héritage considérable qu’il a transmis à la culture québécoise. Cadet du non moins célèbre poète Claude Gauvreau, le peintre se réinvente constamment au cours de sa carrière, devenant tout à tour auteur, scénariste, réalisateur de télévision et producteur de cinéma. En 1941, tandis qu’il siège dans le jury d’une exposition collective au Théâtre Gesù, Paul-Émile Borduas repère le talent de Gauvreau, alors étudiant à l’École des beaux-arts de Montréal. Il récompense le jeune artiste du premier prix, foudroyé par « les qualités singulières », dira-t-il, du tableau lauréat. Invités à exposer avec la Société d’art contemporain en 1943, Gauvreau et d’autres artistes issus de ce cercle avant-gardiste donneront naissance au groupe des Automatistes, qui publie le Refus global en 1948. Vers le milieu des années 1950, Gauvreau se libère progressivement des influences du groupe pour explorer une imagerie plus libre et gestuelle. Il arrête de peindre au début des années 1960 pour ne recommencer qu’en 1977, oeuvrant durant cette période dans le nouveau média qu’est alors la télévision.
Parfait aux raisins, exécutée en 1962, se trouve au seuil limite de cette longue pause qui marque une transition dans l’oeuvre de Pierre Gauvreau. La composition, pour le moins spectaculaire, s’impose par l’assurance des gestes à la fois farouches et précis qui la peuplent. Les ocres lumineux, presque blonds, donnent la réplique aux somptueuses tonalités aubergine, terre de Sienne et ombre brûlée. Des silhouettes noir de jais semblent s’abreuver dans une baie au bleu céruléen trouble : mystère du tableau qui se joue entre la résistance et l’abandon, la puissance et les appels d’air, où tous les registres de la peinture sont explorés.
Parfait aux raisins fait partie des pièces les plus abouties du corpus de Pierre Gauvreau.
(Annie Lafleur)