À partir de 1965, tandis que les verticales et les bandes font leur apparition dans les tableaux de Jacques Hurtubise, certaines oeuvres résistent toujours à cette nouvelle donne, mettant en évidence leur rareté. C’est le cas de Rosalie, puissant acrylique sur toile daté de 1966 où ne subsistent que la tache et la symétrie. Cette économie de moyens faussement simpliste renvoie à une observation de l’historien de l’art François-Marc Gagnon, qui écrit : « S’il y a une chose qu’Hurtubise a comprise à New York c’est l’importance de l’image unique constante, seule capable d’assurer au tableau une présence globale.»
Deux tableaux cousins, Rosalie et Philomène, peints la même année, répondent à cette exigence formelle en proposant une composition où la tache hard-edge occupe tout l’espace pictural et se déploie bien au-delà du support. Les couleurs tertiaires chez l’un (orange-turquoise) et les contrastes purs chez l’autre (noir-blanc) exacerbent le dispositif optique tout en le maintenant insoluble. Cette illusion entre l’image et le plan est entretenue par l’oscillation du centre de gravité du tableau entre les deux masses situées de part et d’autre. Le principe de réversibilité et d’interchangeabilité rend le jeu optique aussi efficace que mystérieux ; le subterfuge du peintre est réussi.
L’année 1966 correspond à celle de la première exposition personnelle du peintre à New York. L’année suivante, il est invité à représenter le Canada, aux côtés de Jack Bush, à l’occasion de la 9e Biennale de São Paulo.
(Annie Lafleur)