La série des Dyades de 1969 de Molinari représente le point culminant d’une longue séquence inédite de peintures arborant des rayures verticales commencée en 1964. Dyade jaune est simplement composée de deux bandes de couleur de largeur égale, l’une vert gris, l’autre jaune, reproduites une fois pour un total de quatre bandes.
Les Dyades semblent bien loin de Sans titre, 1954 (ill. 00), leur aspect imposant et serein contrastant avec l’impertinence de cet autre tableau. Cependant, on voit dans Dyade jaune l’aboutissement du questionnement que Molinari exposait quinze ans plus tôt, à savoir comment créer une peinture dénuée d’illusion spatiale, comment repousser les limites de l’oeuvre depuis l’arrière du tableau de façon à la projeter dans l’espace réel où se trouve le spectateur appelé à la percevoir activement.
C’est avec les tableaux à bandes verticales que Molinari résout le problème une fois pour toutes. En créant des bandes de largeur égale, une surface lisse et opaque, des contours extrêmement nets et une alternance de couleurs prévisible, il parvient à éliminer de l’aire picturale toute trace de subjectivité et d’événements internes. Par conséquent, les compositions ainsi fortifiées laissent toute la place à l’énergie des couleurs et aux interactions rythmiques qui sollicitent sans cesse l’oeil et les terminaisons nerveuses du spectateur. La peinture en soi devient un environnement perceptuel continuellement en action.
À la fin des années 1960, les tableaux à bandes verticales s’apaisent et se simplifient de plus en plus. Les rayures se raréfient – leur masse de couleur augmente, leurs rapports rythmiques ralentissent. Ainsi, la structure de Dyade jaune est rapidement comprise, mais la dynamique entre ses quatre parties change de façon imprévisible dès que le spectateur déplace son centre d’attention.
Roald Nasgaard, O.C.
Conservateur en chef du Musée des beaux-arts de l’Ontario de 1978 à 1993