La seconde moitié des années 1950 constitue une période de « basculement », dixit Fernand Leduc, « que le peintre [attribue] à l’essence même de l’acte de peindre et qui va trouver son expression dans une “vitalité absolue de la forme et de la couleur”, prémisse de sa pratique de l’art abstrait construit », écrit Michel Martin. Faisant suite à la période des portes ou des pavés, les tableaux de l’année 1955 laissent place progressivement à des constructions orthogonales dont les lignes et les plans soft-edge se durciront systématiquement jusqu’à l’introduction d’obliques puis de courbes dans les années suivantes. Gaze Etimine, une huile datée de 1955, s’inscrit dans une série de petits tableaux peints sur le Mont-Saint-Hilaire. Leurs jeux formels, à la fois synthétiques et rigoureux, sont animés de couleurs tantôt rabattues, tantôt vives, toujours inventives et révélatrices des avancées cycliques chez Leduc. Cette même année concorde avec la parution du Manifeste des Plasticiens, signé par Louis Belzile, Jean-Paul Jérôme, Fernand Toupin et Jauran, à Montréal, le 10 février. Les signataires y revendiquent « l’épurement incessant d’éléments plastiques et de leur ordre » dans leurs oeuvres, une préoccupation qui rejoint, du moins dans l’intention, les visées de Leduc. (A. L.)