Peintre et maître graveuse, Suissesse d’origine et Canadienne d’adoption, Francine Simonin connaît une vaste et prolifique carrière internationale depuis plus de cinquante ans. L’artiste développe son oeuvre en séries, passant d’un corpus à l’autre avec cohérence, fraîcheur et audace, au moyen d’un langage plastique qui ne cesse de se réinventer. Ocean Beach, acrylique sur toile datée de 2004, marque son retour en force en peinture, amorcé au début des années 2000. En effet, elle ne signe que de rares tableaux dans les années 1980 et 1990. Les Écritures (2000-2002) et Écritures métisses (2002), suivies de près par Les Jardins (2003) et Les Jardins jaunes (2004), vont ouvrir le bal des océans et des fleuves. Le présent tableau se lit comme une exploration en eau claire, près des berges fouettées par les vagues et les bouillons d’écume. Souvenir de longues marches sur les plages de la Normandie et de baignades revigorantes, Ocean Beach canalise le courant des fonds marins et le souffle déferlant du corps-mémoire, que l’artiste saisit dans une gestuelle ample, puissante et entière.
Chez Simonin, l’expression artistique passe à coup sûr par un corps-à-corps avec le monde; son art est la résultante d’une charge physique tout entière. Elle peint d’ailleurs sur des toiles disposées à plat sur une grande table, à moins d’un mètre du sol, ce qui lui permet d’investir l’espace pictural de tous les côtés en gardant une vision d’ensemble de son tableau. De la même façon, les traits et les larges coups de pinceau n’accusent aucune coulure en surface, hormis les traînées et giclures que laissent au passage ses gestes assurés. Les mouvements deviennent des traces décisives et implacables. Exécuté en plusieurs couches, avec de multiples temps de séchage entre chaque intervention, ce tableau construit sa narrativité au fil des signes qui lui sont patiemment accordés; de généreux lavis occupent totalement l’arrière-plan, puis les obliques, les zigzags et les splash nerveux s’invitent, et la conclusion parvient sous forme de brasses verticales blanches et rouges, rappelant à elles seules les écritures passées et celles à venir.
Simonin signe ici une oeuvre forte, viscérale et iconique. (A. L.)