Jacques Hurtubise exécute Pepsicala en 1973, donnant suite aux tableaux de la série Blackouts, parmi lesquels Nana (1971) et Olizarine (1972) font figure de proue. Pepsicala s’inscrit dès lors dans une lignée de vastes tableaux polyptyques composés de plusieurs canevas carrés que le peintre assemble jusqu’à l’obtention de l’équilibre désiré. Splash, dripping et hard edge se confrontent et créent des espaces positif et négatif d’une grande expressivité, marque d’un geste à la fois calculé et rigoureux. La palette austère (noir-blanc) et vibrante (jaune-rose) constitue un pairage typique de cette période hautement contrastée. Un long serpentement noir – tantôt net, tantôt à coulisses – ajoute une dimension sismique à la composition, dont les multiples couches laissent voir la réversibilité de l’avant-plan et l’arrière-plan; un effet plastique également présent dans l’oeuvre Praline peinte la même année. Cette dernière rappelle la série Brushstrokes (1965-1966) de l’artiste américain Roy Lichtenstein et met l’accent sur une influence résolument pop art, observée durant cette période. Pepsicala réunit à elle seule tout le savoir-faire et l’engagement esthétique du peintre parvenu à sa pleine maturité.
Jacques Hurtubise naît à Montréal en 1939. Il étudie le dessin, la sculpture et la gravure à l’École des beaux-arts de Montréal de 1956 à 1960. Il y fait la connaissance des artistes Albert Dumouchel et Alfred Pellan, dont les enseignements seront d’emblée palpables dans son travail. Suite à l’obtention de la bourse Max Beckmann en 1960, Hurtubise part étudier un an à New York, où il trouve de nouvelles sources d’inspiration, notamment dans les oeuvres de Malevitch, Pollock et de Kooning; mélange de formalisme et de gestualité qui sera omniprésent dans son oeuvre peinte et gravée. En plus de l’expressionnisme abstrait américain, Hurtubise s’intéresse à l’esthétique des Plasticiens de Montréal au milieu des années soixante. En 1967, il représente le Canada aux côtés de Jack Bush à la IXe Biennale de São Paulo, au Brésil. C’est au début des années soixante-dix que l’artiste a droit à sa première exposition itinérante avec catalogue, au Musée du Québec (1972) et au Musée d’art contemporain de Montréal (1973). Il remporte le prix Victor-Martyn-Lynch-Staunton en 1992 et le prix Paul-Émile-Borduas en 2000. (A. L.)