Dès 1976, Serge Lemoyne retourne à l’abstraction pour mieux y rester, reprenant jusqu’à la fin de son cycle Bleu, Blanc, Rouge l’énigmatique figure triangulaire apparue au milieu des années 1960 dans ses oeuvres sur papier. Forme de prédilection exploitée sous toutes ses coutures, le triangle occupe la surface tout entière, se démultiplie ou fait cavalier seul au centre du tableau, repoussant les limites du lexique formel de l’artiste. En 1976, Lemoyne produit une dizaine de tableaux de format carré (76 cm x 76 cm) et repense le référent sportif d’un point de vue formaliste, délaissant toute représentation directe au hockey au profit d’enjeux picturaux et expressifs. Certaines oeuvres de cette période seront intégrées à l’exposition Serge Lemoyne, Peintures récentes 1975-1976, présentée au Musée d’art contemporain de Montréal en 1976.
D’abord tracée en un léger lavis, la composition de ce tableau Sans titre (1976) est dominée par les trois couleurs emblématiques, en aplats. Deux triangles pleins – le bleu enchâssé dans le blanc, ouvert sur une pointe – dialoguent avec une masse rouge en pourtour, laissant voir une tranche de toile brute sur la gauche et au bas du tableau. La partie supérieure immaculée s’oppose à la partie inférieure couverte de coulées et de giclures tricolores. La composition table sur cette tension entre gestualité et virtuosité formelle, suivant différentes permutations de couleurs et variations de formes basées sur le trilatère, typiques de cette période. Ces oeuvres précèdent et annoncent les séries Pointes d’étoile (1977-1978), Les Étoiles (1979) et Période supplémentaire (1980). (A. L.)