L’abstraction construite apparaît dans l’oeuvre de Fernand Leduc au milieu des années 1950, dans une version d’abord soft edge qui évolue jusqu’à devenir une systématisation des constructions orthogonales. Le rectiligne s’oblique, puis s’incurve; une recherche d’équilibre permanente a lieu entre les plans vibrants qui s’opposent et se répondent. Corollairement, la conquête d’une mobilité cinétique, souvent entre deux tons, prépare peu à peu l’espace pictural à la série des Binaires. C’est en 1962, alors que l’artiste est installé rue Montmartre, à Paris, dans le IIe arrondissement, que la géométrisation disparaît au profit de l’élément formel coloré. Il s’agit d’une étape charnière dans la carrière de l’artiste. Une « écriture molle » voit le jour avec l’apparition d’éléments souples qui viennent dynamiser de plus larges plans chromatiques. « Abandonnant peu à peu la rigueur de la géométrisation au profit d’un jeu plus libre d’interpénétration des masses colorées, Fernand Leduc laisse à suggérer des passages possibles d’une plage à l’autre par la réinsertion de tracés curvilignes dont la souplesse n’a d’égale que la qualité des rapports chromatiques complémentaires, aux tonalités nettement plus nuancées », explique Michel Martin.
Vibrations sur fond vert (1962) incarne avec force la fusion imminente entre la forme et la couleur par l’arrivée d’une masse rouge infiltrée de l’intérieur et assaillie de l’extérieur par des pointes et des arcs aux effets cinétiques dramatiques. La composition du tableau semble traduire la possibilité, voire la nécessité, de fracturer l’espace pictural jusqu’à sa plus simple expression. Le format du tableau s’apparente à celui des gouaches vinyliques exécutées la même année par l’artiste, conférant à l’oeuvre un aspect particulièrement intimiste. (A. L.)