Colonne sans fin no 3 (1962) constitue un tableau exemplaire du peintre qui, arrivé à sa pleine maturité artistique, fait à nouveau la démonstration irréfutable de son génie de coloriste.
Le début des années 1960 est marqué par Meurtrières, Grand fil à plomb et une série de tableaux qui donnent préséance à la verticalité et à une structure binaire. Colonne sans fin no 3 est ainsi scindée en deux camps, le gauche et le droit, subtilement asymétriques et labourés par une large bande médiane, qui semble lutter sous la pression des infiltrations de couleurs et de matières. Riches et onctueuses, les ombres et les lumières aux effets rhizomatiques et marbrés paraissent tout avaler sur leur passage. Les variations de jaune s’expriment dans différents coeurs tonaux, allant de la moutarde au safran, du kaki à la cannelle moulue, en passant par la terre de Sienne et d’ombre brûlée. McEwen cherche à établir une nouvelle grammaire chromatique capable de toutes les inflexions lyriques, créant une sensation de vibrato entre les masses. Un pourpre profond vient densifier la coloration en arrière-plan, qui, une fois diluée en lavis, à l’extrémité du châssis, dévoile son pigment pur et nu.
Artiste autodidacte, Jean McEwen délaisse rapidement les pinceaux et les spatules pour développer sa propre technique de peinture, qu’il applique uniquement avec ses doigts. Il procède par stratification des couches picturales – allant jusqu’à une douzaine de superpositions par tableau – afin de parvenir à une pâte diaprée, dense et en constante permutation avec les pellicules de pigments sous-jacentes. Sa rigueur formelle écarte la mesure et le calcul d’un découpage géométrique au profit d’une émergence organique de la composition par la seule greffe de couleurs en feuilletés successifs. De cette façon, le peintre s’inscrit dans une mouvance néo-plasticienne et s’inspire des courants esthétiques américains, notamment l’expressionnisme abstrait et le Color Field, influences qu’il s’approprie entièrement pour dénouer à sa manière la dualité entre la couleur et la structure. L’introduction de champs colorés soumis à une organisation spatiale rigoureuse et sérielle lui permet ainsi d’explorer