Installé à Kingston, au New Jersey, sur un vaste lot de terre depuis 1957 – année où il a quitté le Groupe des Onze, dont il était membre fondateur –, William Ronald s’adonne à une production en grand format à l’époque où il entreprend l’exécution du tableau In the Beginning (1961). Son studio est aménagé dans une grange et, tout autour, son lieu de vie lui rappelle le monde coloré et floral dans lequel il a baigné, enfant. Comme le souligne Iris Nowell : « Dans la foulée de son idylle new-jersiaise et de sa vie remplie de couleurs, Bill délaisse graduellement les compositions fondées sur une image centrale noir et rouge. Travaillant toujours en grand format, il se tourne alors vers un amas de formes irrégulières aux couleurs éclatantes. » Découpées sur un fond blanc texturé et bosselé, les masses circulaires et allongées suivent un tracé noir défini qui les isole et les souligne entre elles. Ce trait se multiplie en bas du tableau en trois rayures ondulantes surmontées par une forme ovoïde. Les rouge, magenta, rose, jaune et beige, qui dominent ces découpes intrigantes dont la palette et la disposition spatiale s’apparentent à d’autres oeuvres de cette fournée, sont conçues comme autant de visions aériennes, terrestres ou aquatiques d’un monde fantasmé et bucolique. Durant ces années, Ronald admet qu’il cherche à se mesurer à Willem de Kooning, « le plus grand homme […] que tous les artistes cherchent à copier » [nous traduisons], en quête de simplicité et de polyvalence, sans s’imposer de limites. In the Beginning traduit exactement la puissance et la singularité tant convoitées par l’artiste.
Né dans la pittoresque petite ville de Stratford, en Ontario, William Ronald deviendra un des artistes les plus connus du Canada, ainsi qu’un membre de l’irascible École de New York. À l’été de 1951, Ronald vient tout juste d’obtenir son diplôme de l’École d’art de l’Ontario quand son mentor, Jock Macdonald, l’encourage à poursuivre son apprentissage auprès de Hans Hofmann, à New York. C’est là qu’il noue des liens solides avec les expressionnistes abstraits. En 1953, Ronald rentre à Toronto, où il participe à la mise sur pied du Groupe des Onze. Le Groupe présente sa première exposition à la Roberts Gallery en 1954 et Ronald a droit à sa première exposition individuelle à la Hart House la même année. Peu de temps après, recherchant un public plus réceptif à l’art abstrait, Ronald retourne à New York, où il se fait représenter par la Kootz Gallery. Son immersion dans la Big Apple mène directement à l’acquisition de ses travaux par des institutions telles que le Solomon R. Guggenheim Museum, le Museum of Modern Art, l’Albright- Knox Art Gallery, le Brooklyn Museum, le Whitney Museum of American Art, l’Art Institute of Chicago, le Musée des beaux-arts du Canada et le Musée des beaux-arts de l’Ontario.