Dans Les musiciens de la rue, toile de Marcel Barbeau datée de 1990, les formes semblent danser dans une ronde; il s’en dégage une atmosphère joyeuse et festive, comme l’atteste le titre.
Au cours de l’hiver 1989, Barbeau entreprend une nouvelle production inspirée de ses collages de l’automne et de l’été précédents. À ce moment-là, les plans sont plus larges et occupent davantage d’espace que les dernières compositions, très épurées, de 1988. Barbeau reprend toutefois des formes similaires, les agrandit à main levée sur de grandes feuilles de papier kraft, puis les découpe afin de s’en servir comme modèles pour tracer les figures de ses tableaux grand format. Souvent, il modifie librement la palette et l’organisation spatiale pour ne retenir qu’un souvenir de la forme et de la composition initiales. Si, comme l’année d’avant, l’artiste cherche à associer des couleurs complémentaires, il n’hésite cependant plus à déroger à cette règle au moyen de combinaisons chromatiques inattendues.
Au sujet de la décennie 1990, Ninon Gauthier fait remarquer que l’artiste poursuit sur la lancée des travaux amorcés en 1987 et 1988, privilégiant « les harmonies de nuances, jeux de nuances », puis réduisant « sa palette à des harmonies de noir, de blanc et de gris parfois légèrement teintées de pourpre ou de bleu », comme c’est le cas dans Les musiciens de la rue. Ici, Barbeau dispose, sur un fond gris coloré, une constellation de figures polymorphes noires et blanches au dos arrondi, dont une est rehaussée d’une bande orangée sur l’arête droite qui rappelle les bandes des tableaux optiques de 1965. Cet accent vitaminé exploite la disparité des tonalités complémentaires au moyen de couleurs aux nuances tranchées, contraste qu’atténue l’espace pictural adouci par une teinte pastel.