Phytographie d’Alfred Pellan se lit comme une planche botanique faite de découpes végétales exécutées avec finesse, dans un style empreint des influences modernistes européennes chères au peintre. Fort de ses années parisiennes, Pellan s’approprie le vocabulaire de mouvements d’avant-garde tels que le surréalisme, le fauvisme et le postcubisme, qu’il met au service de son imagination foisonnante. L’espace pictural du présent tableau, qui se déploie avec netteté de bas en haut, se joue de la perspective; le bouquet de fruits au premier plan suggère une vision à la fois macro et micro du monde visible. Un cycle printanier est en éclosion : le sol se fracture, les fruits et les fleurs sont gorgés de suc et de pulpe, tout un monde se métamorphose. Un arbre, peut-être un pommier schématisé, se dessine dans la partie inférieure gauche du tableau; il repose sur un relief en pente, verdoyant, tout près d’un bulbe naissant en terre. Tomate, grenade, bourgeonnement en grappes… un jardin tournoie sur fond noir et blanc, ajoutant au contraste des couleurs franches. Les motifs semblent actionnés par des mécanismes internes délicats, rehaussés par les pointillés, les traits dessinés et les fondus complexes : un petit brin de folie vient pimenter cette composition admirable.
Alfred Pellan est né à Québec en 1906. En 1920, il étudie à l’École des beaux-arts de Québec. Premier boursier en peinture de la province, il part pour Paris six ans plus tard. Pellan poursuit ses études à l’École supérieure nationale des beaux-arts de Paris, où il reçoit le premier prix de peinture en 1928. Il réside à Paris jusqu’en 1940, travaillant aux académies de la Grande Chaumière, Colarossi et Ranson. Fuyant la guerre, l’artiste revient au Canada, où il enseigne la peinture à l’École des beaux-arts de Montréal de 1943 à 1952. L’année 1948 est fondatrice pour Alfred Pellan, instigateur du mouvement d’avant-garde Prisme d’yeux, dont le manifeste comptera 15 signataires. Parmi les nombreux prix et distinctions que Pellan reçoit au cours de sa prolifique carrière, mentionnons le premier prix de la première grande exposition d’art mural de Paris (1935), le premier prix de peinture de la 65e Exposition annuelle du printemps au Musée des beaux-arts de Montréal (1948), la bourse de la Société royale du Canada (1952-1953), le premier prix au concours de murales pour le City Centre Building de Montréal (1957) et un doctorat honoris causa de philosophie de l’Université d’Ottawa (1969). Pellan reçoit le Prix Paul-Émile- Borduas en 1984 et est décoré de l’Ordre national du Québec en 1985. Il s’éteint à Montréal le 30 octobre 1988.