Cette huile sur toile de Jean McEwen incarne parfaitement l’opulence des matières et la métamorphose formelle qui s’accomplit durant les années 1963 et 1964. Cette « exubérance contrôlée », écrit Constance Naubert- Riser, introduit des champs colorés qui sont soumis à une organisation spatiale rigoureuse et sérielle permettant à l’artiste d’explorer le plein potentiel de la couleur et de la dynamique espace-plan. Dans Les contes arabes nº 2, datée de 1964, tout comme dans les séries Icône (1963) et Le drapeau inconnu (1964), la structure cruciforme est dominante ; elle dévoile une ossature en filigrane, celle du châssis du tableau avec son croisillon de bois et ses quatre coins. Les pigments jaune safran, moutarde et ocre imitent la richesse de l’or, scellés et stratifiés sous une pâte diaprée qui contraste avec le berceau du tableau, lui-même plongé dans des ombres brûlées, vernissées et fossilisées. Les quatre percées d’azur dans les coins de la toile laissent s’échapper des filins de lumière et rappellent l’origine du tableau et les récits fabuleux qu’il fait naître. D’une inépuisable beauté.
Jean McEwen est considéré comme un des artistes canadiens les plus influents de sa génération. Ses oeuvres ont été présentées à maintes reprises dans des expositions individuelles et collectives à Montréal, à New York, à Québec et à Toronto. Le Musée d’art contemporain de Montréal lui a consacré une rétrospective en 1973 et le Musée des beaux-arts de Montréal a fait de même en 1987. McEwen a reçu de nombreux prix et distinctions au cours de sa carrière, notamment la bourse Victor-Martyn-Lynch-Staunton du Conseil des arts du Canada, en 1977, et le prix Paul-Émile-Borduas, en 1998. Artiste autodidacte, McEwen délaisse rapidement les pinceaux et les spatules pour mettre au point sa propre technique de peinture, qu’il applique uniquement avec ses doigts. Il procède par stratification des couches picturales – jusqu’à une douzaine par tableau – afin de parvenir à une pâte miroitante et dense en constante permutation avec les pellicules de pigment sous-jacentes. De cette façon, le peintre s’inscrit dans une mouvance néo-plasticienne et s’inspire des courants esthétiques américains, notamment l’expressionnisme abstrait et le Color Field, influences qu’il s’approprie entièrement pour dénouer à sa manière la dualité entre couleur et structure.