J’essaie d’exprimer la vie en soi. – Rita Letendre
Au tournant des années 1970, les tableaux hard-edge cunéiformes ou à faisceaux de Rita Letendre font d’ores et déjà la marque de l’artiste, qui met au point une innovante technique de peinture à l’aérographe. Avec Malapèque, datée de 1973, Letendre cherche à recréer une impression de vitesse et de vibration, voire une énergie vitale, en multipliant la source des faisceaux dans le champ pictural. Ici, un des points de fuite prend naissance sur l’arête de la toile, à gauche, puis irradie sur toute la surface. Cette traversée latérale augmente la portée et l’intensité du rayonnement, lequel est accentué par des contrastes chromatiques complémentaires alternant entre les bleus et les orangés, les rouges et les verts. Leur trajectoire agit comme le passage d’un corps céleste qui serait projeté dans un espace infini. L’artiste décrit parfaitement ce jaillissement lors d’un entretien mené par Claude-Lyse Gagnon pour la revue Vie des arts : « J’essaie de fracturer un moment dans mes tableaux, de saisir un éclair de luminosité, mais en laissant l’ouverture sur l’infini, comme s’il ne restait plus rien du tableau à la fin… Tenez! c’est comme si je peignais une comète qui descendait du cosmos, qui frappait mes yeux, une seconde, le temps d’une incandescence, d’une fluorescence, puis continuait sa route dans les galaxies. » Malapèque figure dans l’imposant contingent d’œuvres réuni à l’occasion de la rétrospective Rita Letendre: Fire & Light, présentée à l’Art Gallery of Ontario en 2017. Sa jumelle, Malapèque II (1973, acrylique sur toile, 152,5 cm x 203,2 cm), fait partie de la collection du Musée d’art contemporain de Montréal et illustre la couverture du catalogue de l’exposition La question de l’abstraction présentée par l’établissement en 2012.
(Annie Lafleur)