Un signal doit être émis pour que le récepteur le capte; de fait, ce dernier agit comme un élément clé du vocabulaire plastique du peintre Yves Gaucher. Dans Signals—Eight Inch Progressions, un langage simple et minimal repose sur des lignes horizontales dont la dimension, le nombre et la couleur se restreignent à un spectre de tonalités qui s’apparente à une partition musicale. La symétrie parfaite du réseau linéaire — ceinturé à gauche et à droite, puis en haut en en bas, par des bandes colorées – joue un rôle tensio-optique dans le champ coloré. Un « champ d’énergie », écrit Bernard Teyssèdre, qui se partage les hautes et les basses fréquences, les roses et les bleus pastel, sur un superbe fond jaune moutarde. Cette tension chromatique engendre une sorte de réversibilité optique entre les lignes et les coloris, de sorte que la « participation créatrice du spectateur », telle que l’envisage Gaucher, confère aux tableaux de la série Signals/Silences une qualité performative. Ainsi, sous la rigoureuse orchestration des éléments-couleurs, on distingue des percées linéaires vibrantes, presque dansantes, mises en mouvement par une « force d’expansion ou de contraction des champs colorés ». Le présent tableau a été exposé par deux galeristes influentes et mythiques des années 1960 : Martha Jackson, à New York, en 1966 et Agnès Lefort, à Montréal, en 1967.
Né à Montréal en 1934, Yves Gaucher étudie à l’École des beaux-arts de Montréal de 1954 à 1956. Expulsé de l’établissement, il poursuit sa formation auprès du graveur Albert Dumouchel jusqu’en 1960. En 1962, il remporte une bourse du Conseil des arts du Canada qui lui permet notamment de voyager en Europe. À partir de 1963, il est représenté par des galeries de Montréal, de Toronto, ainsi que de New York, où il obtient sa première exposition solo à la Martha Jackson Gallery. La même année, toujours à New York, le Museum of Modern Art acquiert En hommage à Webern no 2, propulsant du même coup sa carrière internationale. En 1964, Gaucher, qui fait un retour à la peinture, de même qu’à la couleur, délaisse momentanément les arts de la gravure. En 1966, il participe à la 33e Biennale de Venise et devient professeur adjoint à l’école de beaux-arts de l’Université Sir George Williams (aujourd’hui l’Université Concordia), à Montréal. En 1973, Gaucher est fait membre de l’Académie royale des arts du Canada. Au début des années 1990, il retourne à la gravure, au relief, à la matérialité. L’artiste décède à Montréal en 2000.