Entamée en 1986, la série Élégie criblée de bleu, dont le numéro 7 figure dans ce lot, est exceptionnelle à plusieurs égards. Comme l’observe l’historienne de l’art Constance Naubert-Riser dans Jean McEwen : la profondeur de la couleur : peintures et oeuvres sur papier, 1951-1987 (Musée des beaux-arts de Montréal, 1987), cette série se rapporte aux recherches effectuées dans des oeuvres sur papier exécutées en 1976, qui trouvent leur aboutissement en peinture : « Travaillés tout en transparence dans les dessins, ces plans acquièrent ici une espèce de solidité due à l’opacité du pigment coloré. Et pourtant, la tension entre tous les plans maintient l’effet d’instabilité entre le centre et la périphérie. » Les plans quadrangulaires, disposés sous forme de mises en abyme, miment le format du support dans une facture qui revisite les peintres colorfield tels que Mark Rothko et Clyfford Still.
Le cadre bleuté le long de la bordure du tableau s’estompe dans la partie inférieure de celui-ci, suggérant une sorte d’engloutissement, prémices de la fusion qui s’accomplit avec la matière en arrière-plan. Une ribambelle de pulpe rose clair se déploie juste en dessous des bandes nuageuses, et sous ce floconnement se creuse l’aire picturale en tonalités kaki de plus en plus sombres. Les bruns, rouges et orangés, appliqués en lavis ou frottés énergiquement sur la toile, forment les repères secrets d’une topographie toute mcewenesque.
En 1987, Jean McEwen fait partie de l’exposition collective Histoire en quatre temps au Musée d’art contemporain de Montréal. Plus tard la même année, le Musée des beaux-arts de Montréal lui consacre une exposition rétrospective intitulée Jean McEwen : La profondeur de la couleur, dont le commissariat est assuré par Constance Naubert-Riser. Parallèlement à cette rétrospective, la Galerie Waddington & Gorce de Montréal expose la plus récente série de l’artiste, Élégie criblée de bleu, dans laquelle figure le présent tableau. McEwen a reçu de nombreux prix et distinctions au cours de sa carrière, notamment le prix Victor-Martyn-Lynch-Staunton du Conseil des arts du Canada, en 1977, et le prix Paul-Émile-Borduas, en 1998, un an avant de s’éteindre à Montréal.