L’acquisition d’un grand rouleau de toile est un geste symbolique pour Pierre Gauvreau, qui, après une décennie de silence en peinture, revient en force dans l’atelier vers la fin des années 1970. C’est sur cette toile que Gauvreau peint, au cours de l’été 1978, Le cheval de Troie est au vert, « tableau “ long comme une production de l’ONF ” ». Gauvreau quitte d’ailleurs l’Office national du film du Canada, où il est directeur de la production française, pour se consacrer à la réalisation et à la peinture. À propos de cette oeuvre, Janine Carreau, veuve de l’artiste, écrit dans la monographie de la Galerie Michel-Ange : « En 1984 Simon Dresdnere, son galeriste torontois en fait scier le faux cadre [sic] pour l’entrer dans l’ascenseur afin de le proposer à une firme qui, heureusement acquiert Le cheval de Troie est au vert. »
Les dimensions spectaculaires du tableau en disent long sur son titre, inspiré d’un épisode célèbre du récit d’Énée, celui de la prise de Troie, relaté dans le « Chant II » de L’Énéide de Virgile : le sujet même prend d’assaut le regardeur. Se déployant sur plus de quatre mètres, la pièce témoigne des acquis du peintre à travers cette nouvelle vision, toujours marquée par le surréalisme, l’« automatisme apprivoisé », sans oublier les récentes percées des courants américains. Les motifs et les signes pictographiques du tableau constituent l’écriture distinctive du peintre, également présente dans plusieurs travaux de la même période.