Référence directe au club de hockey des Canadiens de Montréal, le cycle Bleu, Blanc, Rouge se caractérise par l’utilisation stricte de couleurs, de formes et de compositions (tantôt figuratives, tantôt abstraites) inspirées de l’imagerie sportive et met en scène les joueurs, la patinoire et l’équipement, en isolant ici et là un détail, un geste, un fragment. L’artiste opte pour une référence populaire afin de véhiculer ses préoccupations picturales, puisant aussi librement dans les allégeances esthétiques de l’expressionnisme abstrait américain que dans celles des Automatistes et des Plasticiens québécois. Il compose ainsi une suite d’oeuvres originales « sans verser dans le folklorisme et sans renoncer aux acquis formels du modernisme » (Marcel Saint-Pierre). On y retrouve, rafraîchis, les aplats, le dripping et la géométrie distinctive, un habile mariage entre le fond et la forme, et des tableaux capables de raconter une histoire en trois couleurs : un manifeste en soi.
En puisant leur source dans la photographie de reportage, les oeuvres plus figuratives de 1975 participent au décloisonnement de l’art. Elles contribuent aussi à l’appropriation d’un mythe déjà en place dans les années 1970, celui des joueurs vedettes du tricolore, notamment le célèbre gardien de but Ken Dryden, que Lemoyne immortalise cette année-là. Dans Peinture no 3, l’artiste met en scène un joueur dans le feu de l’action à l’aide de bandes tricolores alternées qui rappellent le design du maillot, dans une composition élaborée – et nettement plus abstraite – où chaque coulure participe à l’équilibre d’ensemble. Dans la partie droite du diptyque, on aperçoit également la forme distinctive du gant du joueur agrippant le bâton; toute sa posture semble inspirée par cet instant fulgurant où il s’empare de la rondelle pour se diriger droit vers le but. À l’image de cet élan, les innovations formelles que l’artiste met au point en 1975 lui permettent d’enraciner un langage plastique désormais emblématique.