Pierre Gauvreau se réinvente constamment au cours de sa carrière, devenant tout à tour auteur, scénariste, réalisateur de télévision et producteur de cinéma. En 1948, l’artiste signe et imprime le Refus global, célèbre manifeste qui sera assemblé entre amis et publié par les éditions Mithra‑Mythe, fondées par le photographe Maurice Perron. Au début des années 1960, Gauvreau délaisse la peinture pour mieux y revenir en 1975 : « L’influence de la régie du réalisateur [est] déterminante. […] Cette réalité vient d’un réel médiatisé, canalisé par les multiples écrans juxtaposés comme autant de trouées dans le mur, de sources lumineuses, de fenêtres ouvertes sur l’ailleurs, sur des aspects différents du monde », écrit Monique Brunet‑Weinman. Le tableau Foire d’empoigne, exécuté en 1978, démontre parfaitement les acquis du peintre à travers cette nouvelle vision, toujours marquée par le surréalisme, l’« automatisme apprivoisé », sans oublier les récentes percées des courants américains. Une gestuelle fougueuse et lyrique prend d’assaut les oeuvres de cette année faste et particulièrement brillante dans la production de Pierre Gauvreau. Les motifs et les signes pictographiques du tableau constituent l’écriture distinctive du peintre, également présente dans plusieurs travaux de la même période. Résolument épanouie et audacieuse, cette oeuvre se classe parmi les réussites plastiques indéniables d’un artiste inclassable.
(A. L.)