Né en 1888 à Sainte‑Rose, en bordure de Montréal, Marc‑Aurèle Fortin passe son enfance à l’ombre d’ormes impériaux qui deviendront pour lui un sujet de prédilection durant les années 1920‑1930 et qui le rendront célèbre. Sainte‑Rose, peinte autour de 1928, est un exemple d’aquarelle pure exécutée en une séance, puis rehaussée au fusain une fois séchée, manière privilégiée par le peintre à laquelle viendront s’ajouter crayons, pastels et contés à la fin des années 1930. Ce paysage automnal aux figures éparses est plongé dans un clair‑obscur vespéral balayé par la brise. Un personnage relégué au second plan semble s’activer au pliage de la lessive, robe au vent, entre deux arbres immenses dont les branches décharnées tanguent légèrement. L’herbe, au sol, à peine léchée par le pinceau, laisse quelques vrilles au passage, suggérant la levée d’une bourrasque qui fait miroiter l’eau de la Rivière‑des‑Mille‑Îles, coulant à travers le village natal. Le soleil diffuse sa lumière dans un ciel dramatique, taché par l’arrivée de nuages sombres – nuages qui obscurcissent en alternance les bouquets d’arbres, les maisonnées et la terre vallonnée, et d’où percent des trouées lumineuses. Sujet prisé par l’artiste qui le décline dans tous les angles, le quartier Sainte‑Rose incarne le paradis perdu, en contraste avec le quartier Hochelaga, peint à la même époque, où se confrontent ruralité et urbanité.
(A. L.)