Provocateur, insoumis, génial, les superlatifs ne manquent pas pour décrire l’esprit de l’artiste Pierre Gauvreau et l’héritage considérable qu’il a transmis à la culture québécoise. L'ainé du non moins célèbre poète Claude Gauvreau, le peintre se réinvente constamment au cours de sa carrière, devient auteur, scénariste, réalisateur de télévision et producteur de cinéma. En 1948, l’artiste signe et imprime le Refus global, célèbre manifeste qui sera assemblé entre amis et publié par les éditions Mithra-Mythe, fondées par le photographe Maurice Perron. Au début des années 1960, Gauvreau délaisse la peinture pour mieux y revenir en 1975 : « L’influence de la régie du réalisateur [est] déterminante. […] Cette réalité vient d’un réel médiatisé, canalisé par les multiples écrans juxtaposés comme autant de trouées dans le mur, de sources lumineuses, de fenêtres ouvertes sur l’ailleurs, sur des aspects différents du monde », écrit Monique Brunet-Weinman. Le tableau Tombola, exécuté en 1978, démontre parfaitement les acquis du peintre à travers cette nouvelle vision, toujours marquée par le surréalisme, l’« automatisme apprivoisé », sans oublier les récentes percées des courants américains. Une gestuelle fougueuse et lyrique prend d’assaut les oeuvres de cette année faste et particulièrement brillante dans la production de Pierre Gauvreau. La palette de couleurs de Tombola, presque identique à celle des Fenêtres de Pénélope (1978), insiste sur une dominante d’orangé, de vert, de brun chocolat, de blanc et de rose tendre en arrière-plan. Les motifs et les signes pictographiques du tableau constituent l’écriture distinctive du peintre, également présente dans plusieurs travaux de la même période. Résolument épanouie et audacieuse, cette oeuvre se classe parmi les réussites plastiques indéniables d’un artiste inclassable. (A. L.)